Recherche et Conservation à Bavay

Au cours de l’été 2021 Théo-Txomin Quirce a rencontré Pierre-Antoine Lamy pour une interview. Découvrez le fonctionnement du service Recherche et Conservation du Forum antique de Bavay avec le nouveau directeur des lieux.

Entretien avec Pierre-Antoine Lamy
Directeur et ancien responsable du service Recherche et Conservation du Forum antique de Bavay

Pierre-Antoine Lamy, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Portrait de Pierre-Antoine LamyJ’ai commencé par une licence tronc commun Histoire de l’art et archéologie à l’Université de Bourgogne puis j’ai poursuivi par un master de recherche sur l’Histoire et l’archéologie des mondes anciens et médiévaux. Enfin, j’ai terminé ce cursus par une thèse sur La production statuaire chez les Éduens, soutenue en 2015. Je dispose également d’une bonne expérience sur le terrain aussi bien en programmé qu’en préventif. Par conséquent, le poste que j’occupe actuellement est une bonne synthèse entre la recherche et ces opérations.

Comment est venu votre intérêt pour l’archéologie, les objets (plus particulièrement les sculptures) et leur conservation ?

L’intérêt pour l’archéologie m’est venu assez tôt. Enfant, j’étais très curieux sur les questions en lien avec le passé et les grandes découvertes. Mais ce qui a vraiment transformé l’essai, c’est ma première fouille ! Elle a eu lieu en 2001 à Bibracte, sur le chantier école de la domus PC1 du parc aux chevaux.

Les opérations archéologiques auxquelles j’ai pris part m’ont sensibilisé aux artefacts que je pouvais rencontrer. De plus, ayant grandi en Bourgogne, j’ai voulu développer un lien particulier avec les matériaux locaux, plus particulièrement la pierre. J’ai choisi de me spécialiser dans la statuaire car son étude me permettait d’aborder une approche interdisciplinaire, en conciliant histoire de l’art et archéologie.

L’intérêt pour l’archéologie m’est venu assez tôt […] ce qui a vraiment transformé l’essai, c’est ma première fouille !

En quoi consiste votre travail de responsable du service Recherche et Conservation ?

Mon travail consiste, dans un premier temps, en la gestion de la collection. Pour y parvenir, je suis aidé par deux régisseurs des collections. J’encadre leur travail et prends des décisions sur des projets comme les chantiers des collections, en accord avec la direction du Forum antique de Bavay. Je m’occupe également de la mise en forme des orientations stratégiques et logistiques en répartissant les tâches au sein de l’équipe.

Salle d’exposition du musée du Forum antique de BavayAu-delà de la collection, j’assume le rôle de référent scientifique du musée. En ce sens, je peux être amené à élaborer des outils de médiation qui apporteront un éclairage historique et archéologique. Je participe activement au futur de l’établissement à travers la rédaction d’un projet scientifique et culturel tout en gérant l’organisation des expositions. Je suis le relais de la communauté scientifique car je communique avec les chercheurs, tout en proposant des axes de recherches aux étudiants leur permettant de réaliser leurs travaux universitaires.

Par ces missions, je suis aussi l’ambassadeur d’une collectivité et de son patrimoine.

Quand le service a-t-il été créé ? Qui le compose ?

Le service a été créé en 2007. Nous sommes une petite équipe de quatre agents. Actuellement avec moi-même, nous avons Laurent Bouthor et Sylvie Rorive, les deux régisseurs, ainsi que Marie-Laure Florent-Michel chargée de projet du numérique.

De votre point de vue, comment se définissent les notions de recherche et de conservation ?

Avec les termes de recherche et de conservation, on entre nécessairement dans le domaine du patrimoine. Le patrimoine, c’est ce que l’on transmet. Recherche et conservation sont deux notions connexes. Elles font partie d’un processus dynamique.

S’il n’y a pas de recherche, la valorisation est impossible. Il faut d’abord le propos scientifique, puis l’étude, et ensuite, seulement après la compréhension, il peut y avoir vulgarisation et transmission. Si vous ne transmettez pas la recherche, vous figez le patrimoine. La collection s’arrête de vivre.

Vue du cryptoportique du Forum antique de BavayLa conservation a la même vocation que la recherche. Conserver pour les générations futures, bien sûr, mais conserver aussi pour maintenant. Aujourd’hui, à Bavay, on est en mesure de faire parler un objet, la collection, le site. Demain, on met en place des outils comme la couverture du cryptoportique. Cette conservation assure également le confort des visiteurs.

À travers tous ces efforts, tout comme par exemple la restauration pour les expositions, on fait aussi de la recherche.

Quelles missions, en matière de recherche et de conservation, le service doit-il accomplir ?

Les missions du service sont diverses et variées. Elles concernent le traitement de la collection (inventaire, étude), sa valorisation (choix d’objets pour les expositions), sa conservation, ainsi que la participation à des collaborations scientifiques entre les différents acteurs de l’archéologie présents sur le département : Service départemental archéologie et patrimoine (fouilles programmées et fouilles préventives), Université de Lille, DRAC, par exemple.

Pouvez-vous nous donner des éléments sur la composition de la collection ?

Au Forum antique de Bavay, on conserve environ 70 000 objets.

Collection lapidaire du Forum antique de BavayParmi eux, on en a 7 700 qui sont inscrits dans l’inventaire Micromusée dont un bon nombre au titre des collections des Musées de France. Les quelque 65 000 restants font partie des BAM (Biens Archéologiques Mobiliers) issus des opérations de fouilles antérieures sur le forum. Les objets découverts sont transférés au service de Recherche et de Conservation pour un inventaire qui s’effectue de deux façons. Si nous considérons qu’ils sont suffisamment importants du point de vue scientifique et culturel, ils intégreront la base Micromusée en vue d’acquérir le statut de collection Musée de France. Sinon, ils entreront dans les collections d’études qui sont des ensembles de lots destinés à être étudiés par des spécialistes et/ou des étudiants. Dans ce cas, s’il y a apport d’informations significatives (fabrication, usage, datation, etc.), ils pourront rejoindre les collections Musée de France. Enfin, un dernier versant concerne une minorité d’objets. Ce sont ceux qui sont également inventoriés mais qui sont présentables tels quels au public et peuvent sortir des réserves pour les expositions temporaires ou un remembrement de l’exposition permanente.

Les stratégies diffèrent-elles en fonction de la destination de la collection ?

Les stratégies concernent la conservation, la recherche et la valorisation. En effet, nous sommes dans un musée. La finalité reste de présenter des objets au public pour leur apporter des éléments de compréhension sur la culture gallo-romaine. Ces trois statuts sont présents chaque fois que l’on prend des décisions vis-à-vis des objets de la collection. Ces décisions peuvent être influencées par d’autres facteurs comme le récolement décennal, les projets de recherche, la conservation préventive, la restauration ou encore les chantiers des collections.

Pour finir cette interview, pouvez-vous nous dire quelques mots sur le contexte de découverte de la trompe ?

La trompe romaine découverte au Forum antique de BavayJe ne peux rien vous dire de plus que ce qui est déjà publié dans la presse parce que tout cela reste à être interprété et remis dans une perspective stratigraphique et chronologique. Cette trompe a été trouvée démontée, à l’intérieur d’une fosse datée de la fin du IIIe siècle ap. J.-C., dans la branche sud du cryptoportique, en avril 2021, par le Service départemental archéologie et patrimoine, durant la fouille préventive. Elle est en conservation curative et bientôt en restauration au C2RMF (Centre de Recherche et de Restauration des Musées de France) à Paris. Elle a pu bénéficier d’examens conjoints et d’expertises de spécialistes comme Benoît Mille, Christophe Vendries et Sibylle Emerit.

Que dire d’autre ? C’est un peu tout car je ne peux pas vraiment m’engager sur la suite des évènements. Ah Si ! Je peux vous dire que c’est sans doute la troisième trompe romaine la mieux conservée, découverte en Gaule ! Je pense que nous aurons de très belles surprises après le travail du C2RMF du point de vue de la qualité de sa réalisation et des matériaux employés.

Remerciements

Je tiens à adresser mes remerciements à Pierre-Antoine Lamy pour avoir accepté l’invitation d’ArkéoTopia ainsi qu’à Sylvie Rorive pour m’avoir mis en relation avec son responsable.

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