À l’occasion des 16ème rencontres de l’European Association of Archaeologists (EAA), ArkéoTopia a pu se rendre compte que, quel que soit le pays, la professionnalisation de l’archéologie a entraîné une rupture entre les chercheurs amateurs, qu’ils soient érudits locaux, membres d’associations ou de sociétés savantes, et les archéologues professionnels.
Cette rupture parfois justifiée – certains chercheurs amateurs ne souhaitant pas suivre une démarche scientifique jugée trop lourde – devient injustifiée vis à vis d’autres amateurs réalisant un travail de qualité. Le travail de chacun étant intéressant, complémentaire, voire indispensable, ArkéoTopia se veut être un médiateur pouvant aider les uns et les autres à sortir d’un climat de méfiance et de peur et à reconstruire le dialogue.
Lors de la rencontre annuelle de l’European Association for Archaeologists (EAA) à La Haye (Hollande) en Septembre dernier, ArkéoTopia a participé à la table ronde « Debating community based archaeologies across Europe » organisée par Thomas Kador (University college Dublin, Irlande), Don Henson (Council for British Archaeology, Royaume-Uni) et Jeroen van der Vliet (Digital Heritage Netherlands, Hollande). À cette occasion, trois chercheurs dont deux sociologues ont présenté des travaux sur les relations entre amateurs et professionnels en Grèce et en Angleterre. Si les angles d’approche furent divers et malgré l’apport de la recherche amateur (bénévolat) en archéologie [1], les questions d’ArkéoTopia ont mis en avant la distance entre les amateurs et les professionnels entretenue par de nombreux chercheurs et qui s’agrandit chaque année un peu plus, y compris en France.
Si des chercheurs comme le Dr. Jean-Paul Raynal [2] et même des associations d’archéologues professionnels comme Halte au pillage du patrimoine historique et archéologique [3] cherchent à différencier le travail des chercheurs amateurs de celui des chasseurs de trésors, ne réduisant heureusement pas tous les amateurs à des destructeurs ou des persona non grata, force est de constater que cette position n’est pas partagée par tous. Bien souvent, les chercheurs professionnels se contentent d’ignorer la présence de ces amateurs dont le travail est pourtant à l’origine de la recherche archéologique. S’il est vrai que les travaux des pionniers, connus sous le nom d’antiquaires ou de sociétés savantes, servaient avant tout à alimenter les musées en beaux objets, l’Histoire de la recherche archéologique ne peut nier les travaux de ces pionniers qui ont contribué au développement de la professionnalisation de l’archéologie tout autant que les bénévoles du XXème siècle qui avaient largement dépassé la recherche du bel objet pour se concentrer sur la compréhension de l’Histoire humaine à travers sa dimension technique. Toutefois, il n’est pas rare qu’à l’indifférence habituelle s’ajoute le mépris voire l’omission du nom de l’inventeur du site ou le dénigrement affiché de ses recherches [4].
ArkéoTopia défend que le bénévolat sous quelque forme que ce soit, ne remplace pas l’emploi d’archéologues professionnels, mais qu’il est au contraire un complément indispensable à la recherche scientifique. Il n’y aura jamais assez d’archéologues professionnels autant dans le Public que dans le Privé pour réaliser le travail à faire, que ce soit en prospection, en fouilles, en inventaire, en analyse de données, etc. Sans devenir un employé non rémunéré corvéable à merci, l’amateur a sa place au sein de la recherche scientifique en fonction de ses compétences. Le monde de l’Environnement a même peut-être des leçons à nous donner sur cette intégration. Nous en voulons pour exemple l’intégration de bénévoles au sein de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) pour des tâches d’observation de la faune ornithologique dont les données sont retournées à des professionnels du CNRS. La répartition du travail dans le but de renforcer les équipes pour des résultats plus rapides et plus complets, ne serait-elle pas un pas sur la voie qui mène à la reconstruction des liens entre amateurs et professionnels ?
ArkéoTopia travaille sur cette hypothèse et cherche à en générer de nouvelles souhaitant contribuer ainsi à récréer ce lien que certains professionnels réclament également. Rapprocher amateurs et professionnels contribuerait non seulement à une meilleurs compréhension du travail du chercheur, mais aussi à une diffusion plus large de la culture scientifique où le public ne serait plus seulement spectateur, mais aussi acteur.
[1] Voir l’étude de Suzie Thomas réalisée pour le Council for British Archaeology (CBA) sur http://www.britarch.ac.uk.
[2] Directeur de recherche au CNRS – UMR 5199-PACEA (Bordeaux 1)
[3] Voir la page Agir dont les précisions soulignent bien que l’association ne réduit pas les chercheurs amateurs à des pilleurs puisqu’il est souligné que « l’association HAPPAH ne vise en aucun cas les prospecteurs bénévoles dûment autorisés [dont] les travaux sont essentiels pour l’étude et la sauvegarde du patrimoine archéologique ». L’association vise bel et bien les chasseurs de trésors qui n’ont aucun intérêt pour la recherche scientifique.
[4] Le cas de Jean-Pierre Houdin, Architecte DPLG et chercheur amateur, est à ce titre un cas d’école. Malgré sa contribution à un renouvellement de nos connaissances sur la construction des pyramides d’Égypte, notamment la pyramide de Khéops (voir https://www.construire-la-grande-pyramide.org), il fait l’objet de fréquents dénigrements par certains chercheurs (voir par exemple les propos de Jean-Claude Golvin dans le magazine Le Point Hors-série de novembre-décembre 2007, p. 81).
Pour en savoir plus sur ArkéoTopia, prenez connaissance de la présentation de notre association. N’hésitez pas à nous écrire à contact@arkeotopia.org