Quand la curiosité et l’obstination permettent de découvrir la plus ancienne grotte ornée du monde
La grotte ornée de Chauvet, dans le sud de l’Ardèche abrite un millier de peintures et de gravures datées entre 28 000 ans et 36 000 ans qui comptent parmi les plus anciennes du monde. Les différentes techniques de dessin utilisées (perspective, estompe, effet de narration, etc.) et les différentes matières (ocre rouge, orange, charbon, etc.) ont remis en cause les connaissances sur l’art préhistorique dont l’évolution n’apparaît plus finalement ni si linéaire, ni si lente. C’est une découverte majeure sur l’art pariétal préhistorique avec des fresques deux fois plus anciennes que celles de Lascaux, représentant plus de 80 félins et de nombreux rhinocéros. Il s’agit surtout d’un témoignage essentiel sur l’Histoire de l’Humanité.
Mais la grotte Chauvet n’a pas été découverte par hasard. Si la découverte fut inopinée, elle résulte surtout de l’entêtement de son découvreur. Car il s’agit bien d’entêtement, alors que l’après-midi du 18 décembre 1992 est déjà bien entamée, de vouloir retourner dans le cirque d’Estre malgré l’état de fatigue physique et morale de ses deux compagnons. L’entêtement tournera à l’obstination lors de la découverte d’un trou souffleur sortant d’un éboulis au fond d’une petite galerie déjà maintes fois visitée et qui ne pourrait être, au fond, qu’un courant d’air de plus.
Pour s’en assurer, il faut s’allonger sur la roche avec massette et poinçon afin de taper, désobstruer, évacuer les pierres pendant plusieurs heures dans l’espoir de se faufiler dans un étroit boyau pour y faire une découverte. Ainsi on se contorsionne, on se râpe la peau, on avance pour déboucher sur un balcon surplombant ce qui semble être une cavité large et profonde. Et après ces trois heures passées à avancer, il faut faire demi-tour et redescendre jusqu’aux voiture chercher une échelle de corde. Une fois en bas, les trois amis entament un conciliabule : est-on obligé d’y retourner ce soir alors que la nuit est déjà tombée, que le froid est présent ? Ils y retourneront.
Cette curiosité, cette envie de mettre au jour quelque chose d’inconnu (des relations entre réseaux souterrains, des ossements, qui sait ?), de fuir un peu le présent (l’enfoncement dans les couches géologiques est comme un retour dans le passé), toutes ces motivations sont bien comparables à celles d’un archéologue. Les instruments et les techniques ne sont pas les mêmes. Les cadres sont différents. Cependant, la spéléologie, au-delà de son aspect sportif et exploratoire, peut-être conduite par une forte envie de découverte scientifique et de recherches sur les temps anciens.
D’ailleurs, la langue anglaise fait la distinction entre le côté scientifique (Speleology) et le côté sportif (Caving). Les spéléologues, par leur passage par des endroits difficilement accessibles peuvent être des observateurs privilégiés de traces de l’Homme ancien, de vestiges du vivant. Les cavités, à l’abri de la lumière et de certaines épreuves du temps, peuvent être des pièges naturels et conserver des restes tout en fixant la chronologie des événements. Ce sont des lieux qui facilitent les études et les recherches par leur taille et leur cloisonnement.
Mais lorsque le trésor est la grotte ornée la plus ancienne jamais découverte, les contraintes d’accès deviennent draconiennes pour éviter toute contamination avec l’extérieur. Les visites se retrouvent limitées à une centaine de visiteurs par an dont des scientifiques qui après avoir signé un protocole de comportement circulent sur les passerelles par groupes de cinq au maximum en surveillance permanente. Et c’est là tout le paradoxe de la grotte Chauvet. Dans l’attente de nouvelles technologies capables de scruter au travers des pierres, ce monument qui a été occupé par les êtres humains à deux périodes très anciennes de notre Histoire, ne pourra jamais être véritablement explorée et ses sols et ses murs ne seront jamais grattés par les archéologues.
Sources : Collectif, Entrée Spéléologie, rubrique Archéologie, (sd). dans Wikipedia. Consulté le 20 août 2019 depuis https://fr.wikipedia.org/wiki/Sp%C3%A9l%C3%A9ologie#Arch%C3%A9ologie – Eliette Brunel, Jean-Marie Chauvet et Christian Hillaire, La découverte de la grotte Chauvet-Pont d’arc, Éditions Equinoxe, 2014 – François Jovignot, Étude des aptitudes, des motivations, des profils socio-démographique des spéléologues, Thèse de 3e cycle soutenue à l’Université de Bourgogne UFR STAPS, Dijon, 1997