Du commerce entre Vikings et Amérindiens ?

On pensait que les Vikings du Groenland ayant débarqué en Amérique du Nord n’avaient eu que des contacts hostiles avec les Amérindiens. Des fouilles sur l’île de Baffin révèlent qu’il pourrait y avoir eu des échanges commerciaux entre Scandinaves et Dorsets.

On sait depuis la découverte de l’Anse aux Meadows en 1960, que des Vikings venus du Groenland avaient cherché à s’installer sur l’île de Terre-Neuve aux alentours de l’an 1000. Dans cette région qu’ils appelèrent le Vinland, les contacts avec les aborigènes furent hostiles. Mais depuis 1999, l’idée fait son chemin que les Vikings aient pu avoir des contacts plus pacifiques avec les Amérindiens de l’île de Baffin, l’Helluland des sagas nordiques.

Cette hypothèse est née de la découverte de fils tissés en poil de lièvre par un missionnaire dans les vestiges d’un site indigène au cours des années 1980. Le prêtre remit les fils au musée canadien des civilisations, et ils furent ensuite étudiés par l’archéologue Patricia Sutherland.

Celle-ci est immédiatement intriguée par le fait que les fils proviennent d’un campement dorset datant d’il y a 700 ans environ, or les Dorsets, civilisation autochtone de la région et disparue subitement au XIVème siècle, ne pratiquaient pas le filage. Sutherland reconnaît la facture des fils confectionnés par les Vikings des colonies du Groenland.

Depuis, elle a cherché d’autres traces d’un possible commerce entre les Dorsets et les Vikings à partir des objets collectés sur des sites supposés dorsets. Et les indices s’accumulent dans ce sens : d’autres fils, des fragments de bois qui pourraient être des ustensiles vikings (bâtons de comptage, fuseaux de filage), des pierres à aiguiser scandinaves, ou encore des masques dorsets dont les traits évoquent des visages européens.

Sutherland et son équipe entreprennent alors de nouvelles fouilles sur les quatre sites de provenance des objets. L’un d’eux, la vallée de Tanfield, abrite les ruines d’une vaste habitation, dont les dimensions sont supérieures aux constructions dorsets. À l’intérieur, ils trouvent des trous de perçage, qui pourraient avoir été réalisés avec une tarière scandinave, les Dorsets n’utilisant pas de forets. L’équipe trouve également des fragments de pelage de rats originaires d’Europe et une pelle en os de baleine assez similaire à celles qu’utilisaient les Vikings du Groenland. Une partie du bâtiment semble avoir été utilisée comme latrines, or les chasseurs autochtones ne restaient pas suffisamment longtemps au même endroit pour construire de telles installations. D’autres traces laissent penser que des chasseurs dorsets campant dans les environs auraient pu commercer avec les étrangers. Les Vikings auraient alors pu échanger métal et bois contre les produits de la chasse des Dorsets.

Il reste beaucoup à faire sur l’île de Baffin, et l’hypothèse d’un contact amical entre les Scandinaves et les autochtones du Helluland fait encore largement débat, mais Patricia Sutherland est convaincue que les Vikings ont établis un commerce de longue durée avec les Dorsets, et entend le prouver.


Source : National Geographic (paru Septembre 2016, consulté Janvier 2018)