Le fonds Jacques Dassié – témoignage

À l’occasion de la fin du téléversement du fonds photographique de Jacques Dassié sur Wikimedia Commons, Viktoria Christoforides, membre d’ArkéoTopia, témoigne de ce que ce projet lui a apporté en tant qu’archéologue.

Valorisation de données archéologiques
En vol avec Jacques Dassié sur Wikimedia Commons

Jacques Dassié en volJe suis préhistorienne de formation et j’ai rejoint ArkéoTopia en avril 2022, en tant que technicienne de recherche en archéologie. J’ai alors choisi de travailler sur le projet de soutien à la recherche : le fonds Jacques Dassié. L’objectif était de téléverser la photothèque de l’archéologue Jacques Dassié sur Wikimedia Commons selon les souhaits de ce dernier pour la pérennité de son travail envers la communauté scientifique. C’est ainsi que j’ai découvert à la fois l’immense travail de ce pionnier de la prospection aérienne et la médiathèque Wikimedia Commons. Cette mission, désormais achevée, m’a beaucoup apporté en tant qu’archéologue.

Au total, ce sont près de 200 photographies qui ont été téléversées, dont environ la moitié par mes soins. Réalisées dès les années 1970, principalement dans les départements de la Charente et de la Charente-Maritime, la plupart sont des photographies aériennes de prospection, de sites en cours de fouille ainsi que de monuments. À celles-là s’ajoutent quelques clichés pris au sol de décapages en cours, de mobiliers mis au jour et de structures en élévation. Les photographies couvrent un intervalle chronologique large, les sites les plus anciens remontant au Néolithique.

La médiathèque Wikimedia Commons, choisie pour héberger le fonds photographique de Jacques Dassié, est une plateforme de partage de fichiers multimédia, principalement de photographies, où les fichiers sont en licence libre et à la disposition de tous. Tout un chacun peut se créer un compte et y verser ses images dans le but de les rendre disponibles pour l’ensemble de la communauté d’utilisateurs.

Après vérification que les images ne figuraient pas déjà sur Wikimedia Commons, la difficulté principale du téléversement consistait à les décrire le plus précisément possible, en leur attribuant un titre pertinent, ainsi qu’une légende et une brève description. Cela nécessitait d’effectuer des recherches, notamment sur le site personnel de Jacques Dassié. En fonction de la quantité et de la qualité de la documentation disponible en ligne, cette étape préparatoire, en amont du téléversement, pouvait parfois nécessiter jusqu’à une heure par photographie.

Mais en quoi précisément ce travail m’a-t-il enrichi ?

J’ai découvert Jacques Dassié et la prospection aérienne

L’enceinte à fossés néolithique du Camp à ChallignacL’enceinte à fossés néolithique du Camp à ChallignacAvant de rejoindre ArkéoTopia, le nom de Jacques Dassié, l’un des pionniers de la prospection aérienne en France, m’était complètement inconnu. Je n’ai donc découvert que récemment ce personnage et son énorme contribution à la recherche archéologique de la région Poitou-Charentes où la plupart des sites qu’il a repérés ont été fouillés.

En passant en revue la photothèque de Jacques Dassié, j’ai réalisé la pertinence de l’emploi de la photographie aérienne en prospection archéologique. En effet, dans certaines conditions de terrain, de luminosité et d’humidité, le recul apporté par l’altitude révèle des structures archéologiques enfouies organisées au travers des traces induites à la surface du sol et dans la végétation, alors que seules des traces éparses sont décelées en prospection pédestre. En plus de la pertinence de la méthode en soi, les nombreuses heures de vol que Jacques Dassié a effectuées en prospection font de lui un véritable expert de la région : il connaît les conditions optimales et les emplacements préférentiels pour repérer les sites archéologiques.

J’ai découvert la richesse archéologique de la Charente et de la Charente-Maritime

La Citadelle de BrouageFossés et baraquements du castrum d’Aunedonnacum à Aulnay-de-SaintongeLes photographies de Jacques Dassié témoignent de la richesse en sites archéologiques des départements de la Charente et de la Charente-Maritime, où les enceintes à fossés de la fin du Néolithique, les agglomérations romaines et les places fortes se distinguent.

Les grandes enceintes néolithiques, comme celles des Coteaux de Coursac à Balzac (Charente), du Camp à Challignac (Charente) et de Diconche à Saintes (Charente-Maritime) se révèlent en prospection aérienne par des ensembles complexes de fossés, à l’intérieur desquels on peut parfois reconnaître le plan de bâtiments.

Les agglomérations gallo-romaines étendues, telles que le castrum (camp militaire) d’Aunedonnacum à Aulnay-de-Saintonge et la ville portuaire de Barzan, tous deux en Charente-Maritime, incluent des structures d’occupation variées. Aunedonnacum se distingue par des baraquements de soldats et des entrepôts, alors que la ville gallo-romaine de Barzan englobe un port, des thermes et des temples. À l’emplacement de ces sites, la photographie aérienne révèle un enchevêtrement de plans de bâtiments et de rues.

Les places fortes de la Charente-Maritime sont pour moi une véritable découverte. Les fortifications et les bâtiments de la citadelle de Brouage (Hiers-Brouage) et de l’îlot de Talmont-sur-Gironde sont spectaculaires vus du ciel et offrent un témoignage de l’attrait de la région au Moyen-Âge.

J’ai découvert Wikimedia Commons et son intérêt pour la recherche archéologique

Au travail : téléversement des photographies de Jacques Dassié sur Wikimedia CommonsGrâce à la mise en ligne de la photothèque de Jacques Dassié, j’ai réalisé que Wikimedia Commons est une base de données collaborative avec un potentiel immense pour la recherche archéologique et la conservation du patrimoine.

Tout d’abord, les images ainsi mises à disposition sont en licence libre et faciles d’accès. Pas besoin de se déplacer aux archives ou aux services archéologiques pour les obtenir comme c’est habituellement le cas pour ce genre de clichés. Un ordinateur connecté à Internet suffit.

Ensuite, Wikimedia Commons est un outil simple d’utilisation, tant pour le téléversement que la recherche d’images. En effet, les photographies sont attribuées à des catégories, ce qui permet d’accéder à tout un corpus d’images similaires dans le cadre d’une recherche, pouvant également faciliter l’attribution chronologique d’un site en particulier. Ainsi, pour identifier et dater la première photographie aérienne que j’ai téléversée, prise au-dessus du lieu-dit les Coteaux de Coursac à Balzac, j’ai consulté les images similaires qui se trouvaient déjà dans la catégorie « Balzac (Charente) ». Ceci m’a permis d’identifier les vestiges comme appartenant à une enceinte à fossés datant du Néolithique.

Finalement, Wikimedia Commons possède une portée internationale, non seulement parce que les images ne nécessitent pas la connaissance d’une langue en particulier, mais aussi parce que l’historique associé à chaque image téléversée permet de retrouver son auteur et toutes les personnes ayant apporté des corrections ou des modifications. Cet historique permet ainsi de se constituer un réseau de contacts autour d’un même sujet d’étude. Dans le cadre de mes propres recherches sur les palafittes préhistoriques de la Suisse, par exemple, j’ai découvert que la catégorie « Les Roseaux/La Grande Cité (Stations littorales) » renferme des photographies sous-lacustres de vestiges actuellement conservés dans le lac Léman. Au travers de l’historique associé à ces images, je dispose désormais d’un moyen pour pouvoir contacter l’auteur des clichés pour de plus amples informations concernant la localisation des vestiges.

Pour aller plus loin…