La parabole des Tuileries où comment semer le doute dans les esprits avec des intentions louables.
Le 9 mars 2012, le site Internet du quotidien Le Monde présentait un fort sympathique film d’animation intitulé La parabole des Tuileries ou pourquoi l’économie de la culture a ses propres règles.
De façon claire et pédagogique, l’animation démontre l’importance de la culture dans la vie de tous les jours avec notamment ses diverses retombées économiques, tout en appuyant le nécessaire rôle de l’État ainsi que l’importance du rayonnement français. Toutefois, à trop vouloir bien faire, les auteurs ne sont-ils pas passés à côté du plus important ? C’est ce qui ressort des propos de Françoise Benhamou (spécialiste de l’économie de la culture) et de façon plus incisve de J. T. Rostan (professeur de philosophie et l’économie) (voir ci-dessous Pour aller plus loin… sans oublier de regarder les commentaires des internautes).
Dans son souci de défendre l’enseignement de l’histoire des arts au collège et au lycée, l’APAHAU (Association des Professeurs d’Archéologie et d’Histoire de l’Art des Universités) est peut-être passé un peu vite sur la portée réelle de ce court métrage.
S’arrêter à l’enseignement de l’histoire des arts, c’est oublier que la culture ne consiste pas à gaver les élèves comme des oies, mais à les éveiller à ce que cache réellement ce mot. Derrière le mot culture, il n’y a pas seulement musique, architecture, peinture… mais il y a également observation, méthode, analyse, esprit critique… Loin d’être rébarbatif, derrière ce mot de culture, il y a tout un monde qui donnera raison à la différence entre une consommation passive où le principe de l’utilité marginale décroissante règne en maître avec une consommation active où ce principe n’existe plus. Pourquoi ? Parce que le même objet évolue alors sans cesse en fonction des outils que l’individu détiendra, renouvelant ainsi le plaisir et l’envie. Si J. T. Rostan a raison de souligner qu’« écouter la même sonate de Schubert en boucle procure de moins en moins de plaisir », il en va tout autrement si j’ai les moyens de dépasser un simple plaisir immédiat pour en faire autre chose.
Certes, l’éducation artistique est importante et ne doit pas cesser avec le passage au collège pour sensibiliser les jeunes, toute classe sociale confondue, au patrimoine, qu’il soit français ou étranger. Certes, une telle formation est le meilleur moyen d’inciter ces mêmes jeunes à fréquenter les musées, les monuments et les galeries d’art. Mais, il faut aller plus loin. Il faut dépasser cette culture passive, cette culture de la consommation qui souvent apparaît comme si loin de soi. Il faut amener les jeunes à se ré-approprier le patrimoine par la culture scientifique, en leur fournissant les outils intellectuels qui leur permettront de ne pas considérer l’histoire des arts comme du passé, mais comme une matière vivante, une matière qui peut encore être façonnée pour amener à réfléchir, à échanger des idées, à inspirer notre monde de demain.
Le lecteur est donc en droit de se poser des questions comme le fait J. T. Rostan sur le caractère idéologique de ce film d’animation. Françoise Benhamou rappelle d’ailleurs les exagérations de l’effet multiplicateur. C’est pourquoi nous trouvons dommage que le scénario n’ait pas été plus travaillé car il incite à la défiance.
Pourtant, nous soulignerons qu’à l’heure où l’Histoire est considérée en France comme sans intérêt puisque sa disparition se profile déjà avec sa mise en option en Terminal scientifique, nous apprécions qu’un court métrage ait choisi de mettre en évidence comment finalement cette Histoire (implicitement induite en parlant de Schubert et du Sacré-Coeur) sert des questions économiques d’aujourd’hui. Nous regrettons, en revanche, que la dimension de la culture scientifique ait été ignorée tout comme celle des organismes de la société civile au dépend de l’État.
Nous le revendiquons,
la culture, ce n’est pas seulement le spectacle vivant.
La culture, c’est également la culture scientifique et la valorisation du patrimoine visible et invisible.
Parce que l’archéologie fait partie de la culture,
ArkéoTopia est signataire du manifeste Agir pour la culture.
Pour aller plus loin…
– Voir la page officielle du film.
– Décryptage du court métrage avec Françoise Benhamou à la page « La culture, plus on la consomme, plus on a envie d’en consommer » (propos par David Castello-Lopes – LeMonde.fr 09/03/12).
– Décryptage du court métrage avec Jérémie T. Rostan à la page « La ‘Parabole des Tuileries’ – une critique » (20/03/12).