Pour la 2ème édition de ses Rencontres autour de l’Archéologie Européenne (RAE), ArkéoTopia avait choisi pour thème Animation et valorisation en archéologie : à la rencontre des publics qui se sont tenues à la Maison des Associations du 7ème le samedi 6 décembre 2014 dont voici le compte-rendu.
Samedi 6 Décembre 2014 – 14h30-17h30
Compte-rendu validé par les participants
Le thème de ces deuxièmes RAE reposait sur les travaux d’ArkéoTopia concernant la relation scientifiques-publics ainsi que le thème des posters présentés et des échanges réalisés durant la rencontre annuelle de l’EAA (European Association of Archaeologists) de septembre 2014.
Les RAE sont organisées de façon à faire circuler la parole afin que les pratiques de terrain puissent s’échanger, que des solutions voire de nouvelles pistes de réflexions puissent émerger.
L’objectif était de traiter 4 niveaux de la valorisation en définissant et explorant :
- les termes d’archéologie et de valorisation
- les types de valorisation et par conséquent le ou les publics concernés
- les compétences des intervenants de la valorisation en archéologie
- les supports et les réalités qu’ils nous renvoient en s’appuyant sur le cas de l’illustration 2D
Sur ces 4 niveaux, seuls les niveaux 1 et 2 ont pu être traités avec une amorce sur le niveau 3, dont voici une synthèse des échanges.
La discussion a débuté en mentionnant les propos de Pierre Dubreuil (DG de l’Inrap) tenus lors des Rencontres européennes du patrimoine de l’INP (Institut National du Patrimoine) de novembre 2014 sur L’archéologie à la rencontre des publics : transmission et médiation des résultats de recherche. À cette occasion, Pierre Dubreuil faisait le constat que si l’archéologie fascine, elle reste très mal connue malgré la communication qui en est faite, l’image de l’aventurier représentée par Indiana Jones plus proche du pillard que du scientifique restant tenace.
Le public des RAE étant composé de grand public, d’étudiants en archéologie/histoire de l’art, d’acteurs du soutien à la recherche et de scientifiques, il en est ressorti que si l’activité de l’archéologue est assez bien connue (fouilles, travail de laboratoire, recherche en bibliothèque, publication), la raison d’être de son travail reste très mal connue autant par le grand public que par les étudiants et les professionnels eux-mêmes. À ce titre, le Dr. Gransard-Desmond témoigne qu’après avoir demandé à un parterre d’une quarantaine de professionnels de l’archéologie et du patrimoine venant du monde entier rassemblés à l’occasion d’une discussion sur Archaeology: the limits of interpretation une définition de l’archéologie, la seule réponse qu’il a pu obtenir fut qu’il n’y en avait pas une et qu’il n’y avait pas besoin d’en avoir une afin de rester plus flexible dans le travail.
Malgré tout, il s’est dégagé 2 définitions différentes de la recherche archéologique durant ces RAE :
- Le paradigme dominant de ce que la communauté archéologique internationale autant que le public entend par archéologie se définit à la fois par l’action la plus visible, à savoir la fouille, et par le matériel exhumé : les vestiges issus de l’humain (architecture et gros mobilier – principalement par le grand public – auxquels les professionnels ajoutent les traces négatives et fugaces comme les trous de poteau, les traces de feux, etc.). L’archéologie se définirait donc comme une discipline dont l’objet est la compréhension de l’être humain à partir des vestiges qu’il a laissés et qui ne peuvent être compris que par la fouille.
- L’autre définition relève de la théorie de la médiation appliquée à l’archéologie qui définit cette dernière comme la discipline scientifique qui étudie l’objet fabriqué par l’être humain impliquant une dimension technique où la fouille n’est qu’un outil parmi d’autres, reconnaissant ainsi la valeur de l’étude du bâti et de l’expérimentation tout autant qu’une chronologie commençant du premier objet à aujourd’hui.
Ce premier temps a conduit à des difficultés pour cerner la nature de la valorisation. En effet, la tendance observée aussi bien à l’EAA, qu’aux rencontres de l’INP ou encore durant le début de la discussion aux RAE a été de ne privilégier que 2 types de publics (fig. 1) :
- le grand public, cible principale de la valorisation de l’archéologie sur le principe d’un rapport pyramidal descendant entre scientifique et public comme sur la fig. 2.
- le scientifique, cible évoquée au travers de la diffusion des résultats (publication scientifique entre pairs) et de l’accès à des données nouvelles (cas de la numérisation 3D très précise de la grotte de Font-de-Gaumes évoquée par Laurent Bergeot et soulignée durant les rencontres de l’INP).
Ce second temps fut l’occasion de présenter une partie des résultats du travail du Dr. Gransard-Desmond sur la relation entre producteur et usager de la recherche 1. Remplaçant la fig. 2 pyramidale par la fig. 3 circulaire, il est vite apparu que le public ne devait pas se concevoir au singulier, mais bien au pluriel au-delà du grand public et du chercheur scientifique.
L’échange qui s’en est suivi a donné la carte mentale de la fig. 4 mettant en évidence certaines difficultés.
Par exemple, comment distinguer de façon pertinente les professionnels et les prescripteurs avec le cas des médiateurs scientifiques à la fois acteurs et usagers de la recherche archéologique.
Il a été constaté également que la notion de valorisation était à préciser. Si le rapport du sénateur Adnot de 2006 à destination des universités mentionne une définition du Comité National d’Évaluation (CNE) comme le moyen de « rendre utilisables ou commercialisables les résultats, les connaissances et les compétences de la recherche », il y est également question de ne considérer l’action de valorisation comme ne relevant que de relations entre les acteurs de la recherche et du monde économique. De fait, l’action des étudiants tout comme celle des collectivités locales souhaitant utiliser les résultats pour mobiliser les citoyens à une opération d’intérêt général ne relèverait pas d’une valorisation de la recherche scientifique. De même, le transfert de compétences entre professionnels ne serait pas pris comme une valorisation des résultats de recherche. Sur cette dimension, la communauté scientifique française en archéologie est très loin derrière les autres communautés où ces questions font débat alors qu’elles sont absentes en France.
Un début de discussion sur les moyens s’est amorcé qui n’a pu qu’évoquer l’intérêt d’approfondir les supports comme :
- Outil de transmission de la démarche du scientifique auprès du grand public et des acteurs du soutien à la recherche afin notamment de leur faire comprendre que le scientifique ne fait qu’apporter des éléments de réflexion en l’état de la recherche et ne peut avoir réponse à tout.
- Outil d’évaluation pour les archéologues de la compréhension d’un sujet
- Outil d’enseignement pour les étudiants afin de renforcer à la fois les savoirs et les savoir-faire
Rendez-vous a été pris pour l’année 2015 dont le sujet sera déterminé par les temps forts de la prochaine rencontre annuelle de l’EAA qui aura lieu à Glasgow.
[1] Gransard-Desmond, Jean-Olivier. Forthcoming. “Science educators: bridging the gap between the scientific community and society.” World Archaeology 47 (2). doi:10.1080/00438243.2015.1020964 – special Public Archaeology.
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