En septembre 2019, l’analyse de 257 empreintes de pieds laissées par des néandertaliens sur le site du Rozel, en Basse Normandie, était publiée dans la prestigieuse revue PNAS. Cette découverte majeure apporte des connaissances essentielles sur nos lointains cousins.
Jusqu’en 2012, seulement 8 à 9 empreintes de pas, dispersées entre 4 sites d’Europe, étaient attribuées à homo neanderthalensis. C’est dire si la découverte de ces 257 traces, réalisée par l’équipe de Dominique Cliquet, est d’une importance capitale pour notre compréhension de cette espèce.
La découverte a été rendue possible par les caractéristiques exceptionnelles du site. Celui-ci, situé dans une ancienne crique d’une falaise de la partie normande du massif armoricain, a la particularité de conserver une dune qui présente une structure en “mille-feuilles” : les empreintes ont été faites dans des coulées de boue ou des sols de dune qui ont ensuite été recouverts de sable par le vent, figeant les traces de pas dans les niveaux intermédiaires et les préservant depuis 80000 ans jusqu’à leur récente mise au jour.
Chaque niveau ainsi identifié correspond à une période d’occupation par un groupe et fournit un instantané de la vie de ses membres. En particulier, les empreintes renseignent sur la constitution du groupe. Ainsi, les traces issues de la couche sur laquelle le plus d’empreintes ont été identifiées correspondraient à un groupe de 10 à 13 individus, un chiffre cohérent avec les estimations existantes sur les groupes de néandertaliens : typiquement de 10 à 30 membres.
Mais l’analyse des traces permet aussi d’évaluer la taille et l’âge des individus. En l’occurrence, les empreintes d’enfants et d’adolescents sont majoritaires. Cependant, les chercheurs mettent en garde contre un possible biais dans la collecte des données, qui pourraient conduire à une sous-estimation du nombre d’adultes. On note d’ailleurs des pas correspondant à un adulte dont la taille serait supérieure à 1m75, ce qui est exceptionnel pour cette espèce.
Par ailleurs, les empreintes renseignent également sur les mœurs de ces groupes. En effet, la présence de restes osseux traités indiquent clairement l’existence d’ateliers de travaux de boucherie sur le site, où les néandertaliens découpaient et cuisaient la viande. Au Rozel, c’est l’ensemble du groupe qui se déplaçait et non uniquement les adultes et les adolescents mâles qui alimentaient le camp de base.
Près de 1600 nouvelles traces ont été découvertes entre 2018 et 2020 sur le site et n’ont pas encore fait l’objet de publications. On peut donc s’attendre à ce que le chantier du Rozel nous révèle encore bien des choses sur les comportements des néandertaliens. L’équipe d’archéologues espère apporter des éléments de réponse à des questions aussi variées que la description de leur démarche, ou la façon dont les tâches étaient réparties entre les membres des groupes.
Images : Merci à Dominique Cliquet, à Anne Radigue et à la Drac Normandie pour l’autorisation d’utiliser les photographies du chantier.
Pour aller plus loin : Retrouvez l’article de Anne Radigue, « Être archéologue bénévole sur un chantier de fouilles archéologiques », 5 Janvier 2021 sur le site d’ArkéoTopia.
Sources :
- Vincent Charpentier, « On a marché sur la dune », France Culture – Carbone 14, le magazine de l’archéologie, émission du 7 juin 2020, consulté en juillet 2020.
- Futurasciences, « Néandertal : surprenante découverte de centaines de pas en Normandie », Futurasciences, 14 septembre 2019, consulté en juillet 2020.
- Jérémy Duveau, Gilles Berillon, Christine Verna, Gilles Laisné and Dominique Cliquet, “The composition of a Neandertal social group revealed by the hominin footprints at Le Rozel (Normandy, France)”, Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), 9 septembre 2019, https://doi.org/10.1073/pnas.1901789116, consulté en juillet 2020.