Disparition de l’icono-archéologue Agnès Spycket

Le Dr Agnès Spycket, iconologue et archéologue française, spécialiste de la statuaire féminine, nous a quittés le 17 janvier 2022 en sa résidence parisienne.

Une mémoire de l’archéologie française s’éteint

Parcours de vie

Portrait de Agnès Spycket en 2009 / CC BY-SA Jean-Olivier Gransard-DesmondNée le 1er septembre 1921, le Dr Agnès Spycket a suivi une formation au sein de plusieurs établissements tournés vers les langues orientales et l’histoire de l’art. C’est ainsi qu’elle est diplômée de l’école du Louvre, de l’EPHE – Ve section et de l’école libre des Langues orientales de l’Institut Catholique.

Après une première thèse soutenue sur La coiffure féminine en Mésopotamie le 1er juin 1946 sous la direction de Georges Contenau et André Parrot, elle soutiendra son mémoire de l’École Pratique des Hautes Études, La statue de culte en Mésopotamie, le 18 juin 1946 à la Ve section bien qu’écrite à la IVe section.

Elle entame sa carrière scientifique au département des Antiquités Orientales du Musée du Louvre en janvier 1945 comme Chargée de mission des Musées Nationaux, à la demande d’André Parrot alors conservateur en chef. La même année, elle entre au CNRS le 1er octobre 1945 en tant que collaboratrice technique afin de gérer la bibliothèque du cabinet d’assyriologie du Collège de France, poste qu’elle occupera jusqu’au 30 mars 1970. En 1966, elle obtient le titre d’ingénieur du CNRS, mais c’est le 1er janvier 1973 qu’elle obtient le grade de Chargée de recherche qu’elle quitte en 1986 pour raison administrative.

Agnès Spycket à Tell Keisan © Collection A. SpycketEn matière d’enseignement, elle succède à Maggie Rutten en 1959 en charge des cours publics d’histoire de l’art de la fondation Rachel Boyer à l’école du Louvre. Elle poursuivra cet enseignement jusqu’en 1988. Par ailleurs, elle fut Research Visiting Professor à l’université d’Austin (Texas) sur l’art du Proche-Orient, de janvier à mai 1978. Elle est demandée par le Pr Gérard Nicolini à la Faculté des sciences humaines de l’université de Poitiers pour un cours d’histoire de l’art du Proche-Orient ancien de 1984 à 1985.

Agnès Spycket à son bureau dans son domicile parisien en 2014 / CC BY-SA Christiane Angibous-EsnaultSur le terrain, elle est intervenue en Jordanie, Iran, Israël, Irak, Turquie et Syrie. Elle commença comme assistante du Père Roland Guerin de Vaux au sein de l’École biblique et archéologique française, de 1962 à 1963. Elle aura l’occasion de retravailler avec le P. de Vaux sur le site de Tell Keisan (Israël) cette fois pour les campagnes 1971-1973 et 1975. Entre temps, elle interviendra à Suse à la demande du Pr Roman Ghirshman pour les campagnes 1964-1965 et 1966-1967 puis à celle d’Isin (Irak) à la demande de Barthel Hrouda pour les campagnes 1978, 1983, 1986, 1988 et sur le site de Sirkeli (Turquie) pour la campagne 1994. Ses dernières interventions de terrain ont eu lieu à Ashara/Terqa (Syrie) pour les campagnes 1995 et 1997.

La déesse Narundi avec sa tête au Musée du Louvre grâce au travail du Dr Spycket / CC BY-SA Christiane Angibous-EsnaultMalgré de nombreuses difficultés dans son parcours scientifique comme femme, le Dr Spycket sera honorée dans l’Ordre ministériel des Arts et des Lettres à la demande de l’archéologue André Parrot le 3 mars 1973 en tant que Chevalier pour « la consécration depuis longtemps attendue, et combien méritée, d’une activité débordante que vous avez menée inlassablement pendant des années au service de la science, cette science : l’archéologie ; au service des musées : le Musée du Louvre » (Spycket, 2004, p. 191). Elle fut également médaille d’argent du CNRS le 21 mars 1983 et en juin 1982, elle est faite Honorary Member of the American Oriental Society par le secrétaire général Jonathan Rodgers avec ces mots, soulignés par le Dr Spycket elle-même, « Your most kind and patient guidance, generosity and expert advice offered to countless American scholars, including many members of the American Oriental Society, who have come to use the collections in the Département des Antiquités Orientales at the Louvre is also recognized with gratitude. » (Spycket, 2004, p. 194)

Elle nous quitte à l’âge de 100 ans. Avec son départ, c’est une mémoire de l’archéologie et de l’iconologie française qui s’éteint.

Des actions en faveur de son souvenir

  1. Parisiens, parisiennes, aidez-nous à porter son souvenir à un niveau national grâce à la démarche citoyenne permettant de demander le grade de Chevalier de l’Ordre de la Légion d’Honneur. Contactez ArkéoTopia pour que nous puissions recueillir votre signature manuscrite.
  2. Wikimédiens, wikimédiennes, aidez-nous à laisser la trace qu’elle mérite sur Wikipédia en créant son entrée : Agnès Spycket.
  3. Lecteur de son œuvre, participez à l’opération #JeLisArchéo afin de lui rendre un dernier hommage sur les réseaux sociaux. Filmez-vous en train de lire à voix haute l’une de ses œuvres et taguez #JeLisArchéo pour que nous puissions faire suivre votre post (pour en savoir plus sur l’opération, voir : Ensemble, lisons à voix haute pour l’archéologie).

Œuvre

Sa première publication remonte à 1945 sous l’intitulé « Illustration d’un texte hépatoscopique concernant Sargon d’Agadé » dans la Revue d’Assyriologie et d’archéologie orientale. Son travail de publication s’est poursuivi jusqu’à atteindre une centaine d’articles et une cinquantaine de monographies dont :

  • Les Statues de culte dans les textes mésopotamiens : des origines à la Ire dynastie de Babylone, 1968
  • La statuaire du Proche-Orient ancien, 1981 traduit en 3 langues
  • Eine frühdynastische Frauen-Statuette in der Prähistorischen Staatssammlung München, 1990 sous la direction de A. Spycket, K. Karstens, U. Kramm, H. Dannheimer und B. Hrouda
  • Les figurines de Suse, 1992
  • The human form divine : from the collections of Elie Borowski, 2000
  • Madeleine Delbrêl connue et inconnue : livre du centenaire, 2004 sous la direction de G. François, A. Spycket et B. Pitaud

Un hommage lui sera rendu en 1996 par Hermann Gasche et Barthel Hrouda avec les mélanges intitulés Collectanea orientalia  : histoire, arts de l’espace et industrie de la terre, études offertes en hommage à Agnès Spycket publiés en 1996 dans la collection Civilisations du Proche-Orient. Elle rendra, elle-même, hommage à la communauté scientifique qu’elle aura côtoyé, dans son autobiographie de 2004 intitulée À temps et à contretemps : un demi-siècle d’archéologie et de contacts dans le domaine du Proche-Orient publié aux éditions Recherches et Publications de Neuchâtel.


Vous souhaitez que nous fassions une interview, une critique de livre, de documentaire ou de support en relation avec l’archéologie, que ce soit pour le grand public, des enfants ou des spécialistes, n’hésitez pas à écrire à ArkéoTopia via notre formulaire.

ArkéoTopia, une autre voie pour l’archéologie® a vocation à porter un autre regard sur l’archéologie d’aujourd’hui pour mieux aider à préparer celle de demain. Pour en savoir plus sur l’association, n’hésitez pas à prendre connaissance de notre vidéo institutionnelle et de nos actions.